La famille Mairet se confie sur l'accueil de Naz, une lycéenne turque
Marie-Luce

La famille Mairet se confie sur l'accueil de Naz, une lycéenne turque

" N’hésitez pas à accueillir, une fois chez vous le jeune s’adaptera et les choses se feront naturellement. Alors ouvrez votre maison et votre cœur… "
YFU France:

Depuis quand connaissez-vous YFU France et comment avez-vous connu YFU ?

Marie-Luce:

Depuis de nombreuses années car notre cadette voulait partir un an en immersion et a cherché toute seule les organismes qui lui permettrait de faire aboutir son projet. C’est ainsi qu’elle a rencontré des bénévoles au salon de l’Office à Paris. Etant bénévole à l’Apel départementale des Hauts de Seine, j’étais responsable d’une commission linguistique et je faisais une enquête sur les différents organismes proposant des séjours à l’étranger. J’ai trouvé intéressant le concept d’YFU.

Toute la famille est venue faire la connaissance de Naz.
YFU France:

Pourquoi avoir souhaité accueillir un(e) jeune lycéen(ne) chez vous et comment s’est porté votre choix ?

Marie-Luce:

Notre fille devait partir, nous avions déjà accueilli pour de courtes durées, tout comme l’avait fait mes parents. Donc, accueillir pour nous était normal. Puis nous nous sommes dit que si une famille quelque part dans le monde acceptait et allait faire l’effort d’accueillir notre fille pendant 10 mois, c’était possible pour nous aussi. A ce jour nous avons accueilli des jeunes de différentes nationalités (7 jeunes en tout !). Je vais parler de l’accueil de Naz d'il y a 2 ans. J’ai fait ce choix parce qu'il y a 15 jours, nous étions chez sa famille en Turquie.
Le choix de Naz s’est fait un peu bizarrement. L’année précédente, nous avions fait un double accueil très compliqué, et nous n’avions pas forcément envie de recommencer… Mais Naz n’avait toujours pas de famille début juin, et elle avait besoin d’un visa. Sa vidéo était très sympa et nous a fait craquer.

YFU France:

Comment cela s’est-il passé au début avec le jeune, comment s’est passé votre première rencontre, vos impressions ?

Marie-Luce:

J’ai la chance en tant que coordinatrice de participer et d’animer l’orientation d’arrivée qui est le séminaire où tous les jeunes arrivant en France sont ensemble pour leur expliquer les us et coutumes françaises. Ainsi j’ai pu rencontrer Naz juste quelques heures après son arrivée. Les premiers contacts furent très simples car Naz étant dans un lycée français, parlait déjà très bien notre langue. Il suffisait donc de lui parler lentement pour qu’elle comprenne.
Nous avons eu dès le début une impression de facilité. Le dimanche après-midi il y a eu une réunion de famille avec les familles de ma sœur, mon frère et ma fille ainée et tout le monde a été rapidement conquis.

YFU France:

Comment l’avez-vous mis en confiance, comment vous êtes-vous apprivoisé ?

Marie-Luce:

Aussi étrange que cela puisse paraître, je pense que la mise en confiance s’est faite lors de la lecture des règles en famille le dimanche matin. Nous lui avons aussi expliqué que nous lui faisions confiance et que cela devait être réciproque et qu’en cas de problèmes, il fallait venir nous en parler et que nous trouverions une solution ensemble. Nous avons aussi parlé du lycée et expliqué comment fonctionnait le lycée français et quelles seraient les attentes de son lycée, ainsi elle a pu nous poser toutes les questions qu’elle souhaitait.

YFU France:

Quels sont les meilleurs souvenirs et les meilleurs moments que vous avez partagé ensemble ?

Marie-Luce:

Les meilleurs moments il y en a eu beaucoup, à savoir… :
Quand elle rentrait du lycée avec ses 2 tartes aux fraises parce qu’elles étaient incroyablement bonnes,
Quand ma fille aînée m’a téléphonée car la boulangerie située à côté du lycée l’avait appelée car Naz avait oublié son carnet de correspondance sur le comptoir lors de sa visite quotidienne pour acheter sa tarte aux fraises !
Quand ma fille ainée et mon gendre lui ont dit qu’ils attendaient un bébé et qu’elle allait être tata.
Quand Naz avait passé une mauvaise journée et qu’elle rentrait furieuse… elle s’asseyait sur le divan et nous racontait avec force et détails les misères que lui avaient fait certains professeurs !!!
Quand lors de l’AG des 50 ans de YFU, Tiffanny et Naz ont chacune présenté leur année d’échange en Norvège et en France, mais ce que tout le monde a retenu, c’est leur complicité.
Naz a choisi d’étudier une 2 ème langue au lycée, à savoir l’espagnol, et lors d’une visite au Louvre, elle lit une phrase sur un mur et dit à Tiffanny, « tu as vu en moins de 6 mois, je suis devenu bilingue en espagnol », Tiffanny a ri et dit « oui bien sur surtout que c’est de l’italien !!! ».
Les jeux de mots bidons en réponse à ceux qu’elle entendait… et surtout par rapport à mon gendre d’ailleurs quand elle lui écrit elle signe ‘Nazpirateur’ !!!
Quand Tiffanny, Jess Kevin et ses cousines d’accueil lui apprenaient à faire de l’ironie et à faire du second degré.
Quand Tiffanny et Naz venaient le soir dans notre chambre pour discuter pendant 1 à 2 heures de tout et de rien…
Ce qui est extraordinaire avec Naz, c’est que tous les membres de notre famille, frère, sœur, belle-sœur, beau-frère, cousin, cousine etc… ont tous des souvenirs d’au moins une anecdote propre qui leur est arrivée avec Naz.

YFU France:

Comment avez-vous géré les conflits ?

Marie-Luce:

Les seuls conflits que nous avons eu ont été par rapport à ses parents, mais je ne détaillerais pas, et le fait qu’elle soit la reine de la procrastination. Elle se retrouvait après 2 semaines de vacances à travailler du samedi après-midi jusqu’au dimanche très tard le soir. Après avoir discuté avec elle, nous avons compris qu’elle ne savait pas s’organiser. Je lui ai donc appris à planifier ses devoirs et ses révisions pour les DS et pour les épreuves anticipées du BAC de français.

YFU France:

Etes-vous déjà parti dans son pays et est-ce que cela a influencé votre choix ?

Marie-Luce:

Son pays d’origine n’a pas du tout influencé notre choix puisque, j’avais dit que, compte tenu du régime politique, je n’irai jamais ! Je pense que c’est d’ailleurs pourquoi nous y étions venus en avril dernier pour lui rendre visite, invités par ses parents ! Comme quoi, il est possible de changer d’avis.

YFU France:

Quelle a été l’évolution avec le jeune pendant l’année scolaire ?

Marie-Luce:

Naz a beaucoup grandi, elle a aussi compris que si elle voulait réussir et revenir en France pour ses études supérieures, il fallait qu’elle s’en donne les moyens, qu’elle arrête de procrastiner sur des choses importantes. Elle s’est aussi fait beaucoup d’amies françaises avec qui elle est toujours en contact.

YFU France:

S’est-elle bien acclimatée au mode de vie, à la culture, à la nourriture française ?

Marie-Luce:

Naz est de religion musulmane non pratiquante et elle comme ses parents mangent de tout.
L’anecdote des tartes aux fraises démontre que Naz s’est très vite adaptée à la nourriture, à la culture et aussi au mode de vie. Dans les premiers jours au lycée, elle a passé un casting pour faire partie de la comédie musicale qui fut jouée en fin d’année scolaire. Tout comme elle s’est très vite fait des amies avec qui elle est encore en contact.

YFU France:

Qu’aimez-vous le plus dans le fait d’accueillir et qu’appréciez-vous le plus dans les relations que vous avez eu avec votre accueilli ?

Marie-Luce:

Accueillir est devenu naturel pour notre famille. Echanger, partager, faire découvrir la culture française est important pour nous. Et il est tout à fait possible de le faire sans jouer les « agences de voyage » !! En effet je ne suis pas guide, comme je l’ai dit plus haut ma famille a accueilli de nombreuses fois quand j’étais adolescente, je suis allée plus de 10 fois à la Tour Eiffel, au Louvre, au château de Versailles etc… et je n’y prends pas forcément plaisir donc je ne me force pas. En revanche, cela n’empêche pas mes accueillies d’y aller. De la même manière, nous ne faisons pas le tour de France, mais nos destinations sont définies en fonction de nos besoins (Pays-Bas) ou de nos souhaits (Lorraine). Et c’est au jeune que nous accueillons de s’adapter.

YFU France:

Que lui avez-vous fait découvrir dans votre région ? Quelles ont été les activités que vous avez réalisées avec ?

Marie-Luce:

Nous n’avons en rien changé à nos habitudes, les soirées de samedi soir avec la famille pour les fêtes ou les anniversaires, avec des amies, les week-ends YFU + les allers/retours entre Paris et Maastricht ont mobilisé nos week-ends, mais nous avons visité Maastricht, Aix-La Chapelle, Liège. Nous sommes aussi aller voir des pièces de théâtre, concerts de musique classique ou des expositions.

YFU France:

Avez-vous des conseils pour les futures familles d’accueil ? Que conseilleriez-vous pour une famille qui n’a jamais accueilli ?

Marie-Luce:

Surtout ne rien changer à ses habitudes, considérer l’accueilli comme l’un de ses enfants. Accueillir un jeune, ce n’est pas comme recevoir un invité, le jeune doit avoir les mêmes « devoirs et les mêmes droits » que les enfants de la famille.
Il est important d’écrire ce qu’on appelle « les règles de la famille » en fait c’est surtout de mettre par écrit ce qui est important pour vous et le fonctionnement de votre famille.
N’hésitez pas à accueillir, car une fois chez vous, le jeune s’adaptera et les choses se feront naturellement. Alors ouvrez votre maison et votre cœur… De la même manière vous aimer tous vos enfants et bien vous aimerez aussi tous vos accueillis !!! Une de mes amies à l’habitude de dire, « accueillir c’est recevoir un nouveau né de 16 ans chez soi !!! ».

YFU France:

Qu’est-ce que cela vous a apporté d’accueillir un jeune lycéen ?

Marie-Luce:

Accueillir a transformé notre famille au sens large, chaque jeune accueilli est devenu un membre à part entière de notre famille. Et quand mon frère ou ma sœur dit à notre accueillie, « tu fais partie de la famille », toutes savent que c’est vrai et sincère !
Cela nous a aussi apporté une ouverture d’esprit accentuée, de découvrir d’autres cultures, de manière de fonctionner, de prendre en compte d’autres manières de voir les choses.
Mais surtout de créer des liens forts avec des jeunes qui vivent plus ou moins loin de nous. Le plus dur est de les voir repartir dans leur pays au bout des 10 mois !!!
Même si on les traite comme nos enfants pendant leur séjour chez nous, les liens créés feront que nous les considérons comme nos nièces et nos neveux et comme leurs parents, nous sommes attentifs à leur évolution et souhaitons vraiment leur réussite dans la vie.

YFU France:

Avez-vous gardé contact avec votre accueillie et si oui comment cela se passe ?

Marie-Luce:

Oui bien sûr, nous communiquons au minimum une fois par semaine avec Naz (même chose avec une autre de nos accueillie) sinon pour les autres, c’est au moins une fois par mois.
Très tôt après son arrivée, Naz nous a expliqué qu’elle ne voulait pas rentrer en Turquie, mais rester chez nous, qu’elle se cacherait etc… elle est repartie contrainte et forcée en laissant la moitié de ses affaires qu’elle est revenue chercher le Noël suivant (qu’elle a passé avec nous).
Nous sommes donc allés en Turquie le mois dernier, où ses parents nous ont accueilli en version VIP. Nous avons passé un séjour extraordinaire pendant lequel ils nous ont fait découvrir Istanbul, et ils ont déjà prévu ce qu’ils nous feraient visiter lors de notre prochaine venue. Nous sommes rentrés avec beaucoup d’images fortes et d’émotions. Pour finir et démontrer que l’accueil, c’est une vraie aventure humaine : Le dernier soir quand on s’est dit bonne nuit alors que je remerciais une nouvelle fois la maman de Naz, elle m’a serrée dans ses bras, m’a dit de me rappeler que sa maison était aussi la mienne et que je devais revenir très vite.